Quel est votre sentiment sur la polémique née de l’interdiction de débat faite à Tariq Ramadan par l’Université Libre de Bruxelles (ULB) ?
Philippe Moureaux : Mon sentiment, c’est une grande incompréhension dans ce qui me paraît être à la fois une erreur et une faute. Pour une Université qui se réclame du libre examen, refuser la parole à quelqu’un me paraît difficilement compréhensible. A l’exception, bien entendu, des cas qui relèvent de personnes qui dispensent des discours racistes. Mais en l’occurrence, je pense qu’il s’agit d’une forme d’injure à l’intelligence que de refuser de discuter avec M. Ramadan. C’est une personne que j’ai déjà eu l’occasion d’entendre. J’ai assisté à une conférence qu’il donnait dans une salle du centre de Bruxelles devant une assemblée composée essentiellement de personnes de confession musulmane. J’ai trouvé son discours - qui n’est pas le mien - intéressant et celui-ci mérite vraiment débat. En conséquence, je suis attristé par ce qui vient de se passer dans mon Université.
Par son discours et son positionnement, Tariq Ramadan sort-il du cadre démocratique ?
P.M : Pas du tout ! Je n’ai jamais eu cette impression. Au contraire, je l’ai entendu défendre l’idée de l’intégration sociale et politique des populations musulmanes, désormais installées de façon assez importante en Europe. Vous savez, je le déplore, mais l’islamophobie est assez à la mode dans certains milieux intellectuels. C’est le racisme des riches.
Vendredi dernier, Ramadan a été invité à débattre aux Facultés universitaires Saint-Louis au sujet de la « femme musulmane ». A cette occasion, l’islamologue genevois a rappelé qu’il condamne la lapidation, les châtiments corporels et la peine de mort …
P.M : Voilà une belle démonstration ! Je pense que c’est affligeant pour l’ULB que ce soit les Facultés Saint-Louis qui, elles, acceptent le dialogue, en leurs murs, entre un membre de l’ULB (Dan Van Raemdonck, ndlr) et Tariq Ramadan. Je ne peux que répéter qu’il s’agit là, dans le chef de l’ULB, d’une injure à l’intelligence. J’en suis très malheureux.
Avez-vous eu des contacts avec les autorités académiques de l’ULB ?
P.M : Non. Je n’ai eu aucun contact avec les autorités, parce que cela n’est pas directement de mon ressort.
Comment cette affaire est-elle perçue au sein de votre commune de Molenbeek et plus généralement dans la population belgo-musulmane ?
P.M : Cela va être très mal perçu. Cette affaire sera perçue comme un acte supplémentaire d’hostilité à l’égard de populations qui, dans leur immense majorité, ne souhaitent qu’une chose : vivre dans la paix et l’harmonie avec leur pays d’accueil ou le pays dans lequel elles sont nées. Pour ces personnes, la Belgique est leur pays, point à la ligne !
Vous êtes à l’origine de la loi Moureaux (1981) réprimant les actes de racisme et de xénophobie en Belgique. Cette affaire relève-t-elle d’une islamophobie sournoise voire d’un racisme anti-arabe ?
P.M : Je pense que le profil des personnes qui vont dans le sens de cette interdiction sont très différents. Il y en a qui sont de bonne foi parce qu’ils ont été influencés par cette campagne anti-musulmane qui bat son plein dans les médias. Par contre, il y en a d’autres qui s’inscrivent effectivement dans des formes sournoises de discrimination. Les deux aspects existent et c’est toujours très difficile de démêler. Sur cette affaire, on ne peut pas dire de but en blanc qu’il s’agit de racisme pur. Je crois que c’est beaucoup plus complexe.
Tariq Ramadan estime que ses positions critiques à l’égard du gouvernement israélien expliquent l’hostilité que lui vouent certains intellectuels. Qu’en pensez-vous ?
P.M : Je crains qu’il ait raison …
Il y a plusieurs mois, la RTBF diffusait un numéro de Question à la Une portant sur « l’Islam radical » en Belgique et en France. Vous y étiez brièvement interviewé. Avez-vous vu l’émission et qu’en avez-vous pensé ?
P.M : Je ne l’ai pas vue, mais on m’en a parlé. On m’a confié qu’elle faisait malheureusement partie de ces campagnes anti-musulmanes dont je viens de vous parler. Ce genre d’émission est très significatif : ils sont venus m’interroger dans mon bureau pendant une demi-heure et ils en ont diffusé trente secondes. Etant donné que je tenais un discours d’ouverture, ça ne les intéressait pas …
- Cette interview datée du 5 mars 2007 a été refusée par Le Soir -
Philippe Moureaux : Mon sentiment, c’est une grande incompréhension dans ce qui me paraît être à la fois une erreur et une faute. Pour une Université qui se réclame du libre examen, refuser la parole à quelqu’un me paraît difficilement compréhensible. A l’exception, bien entendu, des cas qui relèvent de personnes qui dispensent des discours racistes. Mais en l’occurrence, je pense qu’il s’agit d’une forme d’injure à l’intelligence que de refuser de discuter avec M. Ramadan. C’est une personne que j’ai déjà eu l’occasion d’entendre. J’ai assisté à une conférence qu’il donnait dans une salle du centre de Bruxelles devant une assemblée composée essentiellement de personnes de confession musulmane. J’ai trouvé son discours - qui n’est pas le mien - intéressant et celui-ci mérite vraiment débat. En conséquence, je suis attristé par ce qui vient de se passer dans mon Université.
Par son discours et son positionnement, Tariq Ramadan sort-il du cadre démocratique ?
P.M : Pas du tout ! Je n’ai jamais eu cette impression. Au contraire, je l’ai entendu défendre l’idée de l’intégration sociale et politique des populations musulmanes, désormais installées de façon assez importante en Europe. Vous savez, je le déplore, mais l’islamophobie est assez à la mode dans certains milieux intellectuels. C’est le racisme des riches.
Vendredi dernier, Ramadan a été invité à débattre aux Facultés universitaires Saint-Louis au sujet de la « femme musulmane ». A cette occasion, l’islamologue genevois a rappelé qu’il condamne la lapidation, les châtiments corporels et la peine de mort …
P.M : Voilà une belle démonstration ! Je pense que c’est affligeant pour l’ULB que ce soit les Facultés Saint-Louis qui, elles, acceptent le dialogue, en leurs murs, entre un membre de l’ULB (Dan Van Raemdonck, ndlr) et Tariq Ramadan. Je ne peux que répéter qu’il s’agit là, dans le chef de l’ULB, d’une injure à l’intelligence. J’en suis très malheureux.
Avez-vous eu des contacts avec les autorités académiques de l’ULB ?
P.M : Non. Je n’ai eu aucun contact avec les autorités, parce que cela n’est pas directement de mon ressort.
Comment cette affaire est-elle perçue au sein de votre commune de Molenbeek et plus généralement dans la population belgo-musulmane ?
P.M : Cela va être très mal perçu. Cette affaire sera perçue comme un acte supplémentaire d’hostilité à l’égard de populations qui, dans leur immense majorité, ne souhaitent qu’une chose : vivre dans la paix et l’harmonie avec leur pays d’accueil ou le pays dans lequel elles sont nées. Pour ces personnes, la Belgique est leur pays, point à la ligne !
Vous êtes à l’origine de la loi Moureaux (1981) réprimant les actes de racisme et de xénophobie en Belgique. Cette affaire relève-t-elle d’une islamophobie sournoise voire d’un racisme anti-arabe ?
P.M : Je pense que le profil des personnes qui vont dans le sens de cette interdiction sont très différents. Il y en a qui sont de bonne foi parce qu’ils ont été influencés par cette campagne anti-musulmane qui bat son plein dans les médias. Par contre, il y en a d’autres qui s’inscrivent effectivement dans des formes sournoises de discrimination. Les deux aspects existent et c’est toujours très difficile de démêler. Sur cette affaire, on ne peut pas dire de but en blanc qu’il s’agit de racisme pur. Je crois que c’est beaucoup plus complexe.
Tariq Ramadan estime que ses positions critiques à l’égard du gouvernement israélien expliquent l’hostilité que lui vouent certains intellectuels. Qu’en pensez-vous ?
P.M : Je crains qu’il ait raison …
Il y a plusieurs mois, la RTBF diffusait un numéro de Question à la Une portant sur « l’Islam radical » en Belgique et en France. Vous y étiez brièvement interviewé. Avez-vous vu l’émission et qu’en avez-vous pensé ?
P.M : Je ne l’ai pas vue, mais on m’en a parlé. On m’a confié qu’elle faisait malheureusement partie de ces campagnes anti-musulmanes dont je viens de vous parler. Ce genre d’émission est très significatif : ils sont venus m’interroger dans mon bureau pendant une demi-heure et ils en ont diffusé trente secondes. Etant donné que je tenais un discours d’ouverture, ça ne les intéressait pas …
- Cette interview datée du 5 mars 2007 a été refusée par Le Soir -